jeudi 19 juin 2008

Les constellations du hasard

Les constellations du hasardValérie Boronard.
Publié en 2008 chez Belfond.

Luc, un jeune français de vingt ans, a écrit un roman et rêve de le soumettre à Paul Auster, son maître en écriture, dont il a lu tous les livres. Il débarque à New York avec la ferme intention de le rencontrer et pourquoi pas, de lier une relation amicale avec lui.

Il trouve à se loger chez un vieil homme aveugle, qui vit seul dans un appartement, et commence à se promener dans les lieux décrits par Auster, en espérant le rencontrer au coin d’une rue. Ce qui ne manque pas d’arriver, d’ailleurs, puisqu’il croit apercevoir Paul Auster faisant son jogging.

Hélas, le rêve se transforme en cauchemar, car Luc se fait voler sa sacoche, qui contenait son manuscrit, son billet de retour, son argent. Après une nuit d’errance dans New York, affamé, il retourne à l’appartement et se confie à son logeur. Celui-ci accepte de l’aider et en contrepartie, lui demande de retranscrire des textes. C’est ainsi que Luc va découvrir la vie et l’oeuvre poétique de Alejandro Asturias, son hôte, en tapant à la machine, des heures durant, les poèmes qu’il lui dicte. Il va également apprendre à nager, grâce aux leçons du vieil homme, qui lui impose une séance de baignage quotidienne, à l’aube, car d’après lui, un écrivain doit savoir nager !

Au début de cette relation imposée, Luc va vivre les contraintes que lui impose son hôte comme une corvée, un fardeau. D’autant plus qu’il essaye de réécrire son livre perdu et que les instants qu’il peut y consacrer sont limités. Puis, impressionné par l’oeuvre du poète et par la personnalité de l’homme, il va tenter de les faire connaitre en organisant une lecture publique à laquelle il espère la participation de Paul Auster.


J’ai bien aimé ce premier livre de Valérie Boronard, qui confronte trois vies d’écrivains, fictifs ou réels, à des stades différents de leur carrière. Cette histoire est bien sûre très imprégnée de l’univers de Paul Auster, mais je pense qu’on peut apprécier ce livre même si on connait peu cet auteur. En revanche, j’ai trouvé que la fin était un peu baclée, comme si l’auteur avait été gagnée par la fébrilité de son personnage, face à l’approche de la fin de son séjour à New-York.

Le site de l'auteur, ici.
Les premières pages, sur le site de l'éditeur.
Les avis de Camille, Florinette et Clarabel.

mercredi 11 juin 2008

Moutarde douce

Moutarde douceStéphanie Hochet
Publié chez Robert Laffont en 2001.

Marc Schwerin est un jeune auteur à succès qui collectionne les lettres de ses admirateurs et surtout de ses admiratrices. Il entretient, avec certaines, des relations épistolaires suivies, puis directes, qui flattent son égo mais qui vont finir par lui peser car deux parmi ses nombreuses interlocutrices deviennent très exigeantes et très intrusives dans sa vie.

Pris à son propre jeu, il va tenter par différents manoeuvres de se libérer des liens qu’il a créés avec ces deux femmes, Sonia et Odette, car la situation devient cauchemardesque.

Dans ce livre satirique, chacun vit dans ses illusions, ne regarde et n’écoute pas l’autre. Il y a beaucoup de perversité dans les relations qu’établit Marc avec ses lectrices. Il se retrouve comme englué dans une toile d’araignée qu’auraient tissée Sonia et Odette. Par moment, on le plaint mais au fil de la lecture, on se rend compte qu’il est très dépendant de ces relations. A plusieurs reprises, il a la possibilité de rompre définitivement le lien avec Sonia, par exemple, mais au dernier moment, il ne peut s’empêcher de relancer la relation..

J’ai apprécié cette lecture, mais à la fin, je me sentais en manque de chaleur humaine et de compassion. L’atmosphère y est plutôt glaçante !

C’est le premier livre de Stéphanie Hochet, qu’elle a écrit à vingt-six ans. Elle y prouve déjà son grand talent dans l’observation des rapports humains.

L’avis de Florinette et son billet très intéressant sur l’auteur.

lundi 2 juin 2008

Le Dieu des cauchemars

Le Dieu des cauchemarsPaula Fox
Editions Joëlle Losfeld – 2004
Traduit de l’anglais par Marie-Hélène Dumas. Préface de Rosellen Brown.

« Au début du printemps 1941, treize ans après nous avoir quittées, ma mère et moi, mon père, Lincoln Bynum, est mort loin de nous dans un village côtier au nord de la Californie. Devant la stupéfaction qui l’a frappée à cette nouvelle, j’ai compris pour la première fois que, pendant toutes ces années, ma mère avait cru qu’il finirait par revenir. »

En 1941, Helen Bynum vit avec sa mère à Poughkeepsie, un bourgade dans l’est des Etats-Unis. L’annonce de la mort du père est un choc pour la mère d’Helen mais, en même temps, une libération pour Helen. En effet, sa mère qui la gardait près d’elle comme si sa présence était un gage du retour du père, va l’encourager à partir de la maison, en lui donnant pour mission d’aller à la Nouvelle-Orléans, afin de retrouver Lulu, sa soeur et de la ramener à Poughkeepsie. Avant son mariage, la mère d’Helen et Lulu étaient danseuses des Ziegfried Folies. Après une carrière d’actrice de théâtre, puis un mariage éphémère avec un chirurgien célèbre, Lulu vit toujours à La Nouvelle Orléans, et n’a pas cherché à maintenir la relation avec sa soeur.

Helen, qui pressent qu’elle ne sera pas la bienvenue chez sa tante, préfère assurer sa situation avant de se mettre à sa recherche. Elle loue une chambre chez un couple chaleureux, Catherine et Gérald, un poète, et trouve un travail dans un magasin de vêtements.

Elle retrouve facilement sa tante Lulu, qui vit dans le quartier français de la Nouvelle-Orléans. Un jeune homme, Len, veille sur elle et Helen n’arrive pas à déterminer s’il est ou a été son amant et quelles sont ses motivations à s’occuper d’elle. Lulu est alcoolique et alterne les périodes d’ivresse et de sobriété. Elle a le projet de monter une troupe de théâtre, mais sa période d’abstinence ne dure jamais suffisamment longtemps pour que ce projet se concrétise. Helen va rapidement comprendre que Lulu n’a aucune envie de quitter La Nouvelle-Orléans pour aller aider sa mère à Poughkeepsie.

Ce séjour à la Nouvelle-Orléans est l’occasion pour Helen de s’ouvrir au monde. Jusqu’à l’âge de vingt-trois ans, elle a vécu dans un univers clos, dans une relation étouffante avec sa mère. A travers ses rencontres, elle va découvrir la ségrégation, l’anti-sémitisme, l’anti-communisme, l’homophobie. Elle va percevoir les échos de la guerre qui se déroule en Europe et qui va impliquer plus tard ses proches. Elle va rencontrer également l’amitié en la personne de Nina Weir, une jeune fille de son âge, mais qui contrairement à Helen, a déjà été confrontée aux duretés de la vie.

La lecture de ce livre m’a rappelée celle de Côte Ouest, également de Paula Fox. Dans les deux cas, il s’agit de l’histoire d’une jeune fille, plongée seule dans un milieu nouveau, et qui va évoluer au fil de ses rencontres.

Mais autant, dans Côte Ouest, l’atmosphère était lourde, nauséeuse, engluée dans la misère, ici tout est décrit au travers de l’oeil innocent d’Helen, qui découvre sans à priori ce qu’elle n’imaginait même pas. Sans doute le fait que l’histoire se déroule à La Nouvelle-Orléans est-il aussi pour une part de cette atmosphère : l’indolence du Sud, la moiteur du climat, une certaine nonchalance des habitants.

Cette lecture me confirme que Paula Fox est bien un auteur à découvrir.

Quelques avis chez les Rats de bibliothèque, Le littéraire et sur le site de l'Express.
Le premier chapitre à télécharger.