mercredi 24 novembre 2010

Bacalao

Bacalao - Nicolas Cano
Éditions Arléa (2010)


" Il est sans doute absurde de vouloir devenir un bermuda alors que l'on est en train de commenter le premier roman moderne de la littérature française. Or c'était venu comme ça, six jours après la rentrée, à la vue d'une paire de jambes dépliées au premier rang de la classe."
C'est ainsi que débute Bacalao de Nicolas Cano. 
En quelques mots, l'auteur rend perceptible le bouleversement qui intervient dans la vie de son personnage principal. Vincent, jeune professeur de lettres dans un lycée de Lyon, est fasciné au premier regard par un nouvel élève de seconde ES. La scène a lieu le 11 septembre 2001 mais les évènements qui agitent la terre entière glissent sur Vincent. Il vient de tomber sous le charme brutal de Ayrton Ribeira, quinze ans, d'origine portugaise, fan de foot, supporter du Benfica de Lisbonne et adorateur de Luis Figo. Très vite, Vincent devient dépendant de la présence de son élève, de son avis, de ses regards. Tout aussi vite, le garçon s'en rend compte, en profite, sans toutefois réussir à paraître antipathique.
Les vacances de Toussaint et un voyage à Madère donnent à Vincent l'occasion d'accompagner Ayrton, qui rend visite à sa famille. Commencent alors des journées d'attente et d'errances pour Vincent, entre les rares moments que lui consacre Ayrton, qui mène la danse à sa façon.


C'est un sujet difficile qui est abordé dans ce roman et il aurait sans doute pu facilement déraper. Mais c'est tout le talent de Nicolas Cano de privilégier le  ressenti plutôt que de décrire des situations qui pourraient être scabreuses. Il nous fait ainsi partager les émotions, les faiblesses de son héros, sa soumission à la volonté des autres, sa propension à se laisser mener par ces "garçons à risque", comme les appelle une amie qui le connait bien. Vincent se rend compte de l'emprise qu'exerce Ayrton mais il ne peut s'empêcher de la rechercher. Il est comme envoûté, incapable de réagir, alors qu'il pressent l'issue de l'histoire.

Je dois dire que j'ai eu quelquefois pitié de Vincent, solitaire et indécis face à cet adolescent déjà conscient de son pouvoir, dont on se sait s'il en profite sciemment ou si tout cela n'est encore qu'un jeu sans importance, à défaut d'être innocent.

Bacalao est un premier roman. Que de promesses pour la suite !

Merci à Delphine qui a fait de ce roman un livre-voyageur.

Leurs avis m'ont donné envie de lire ce livre : Le Bibliomane, Incoldblog et son interview de Nicolas Cano.
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samedi 20 novembre 2010

Les larmes de Tarzan

Les larmes de Tarzan - Katarina Mazetti
Gaïa (2007)
Traduit du suédois par Lena Grumbach et Catherine Marcus.

"Toi Tarzan, moi Janne ! " (Titre du premier chapitre)

Dans ce roman de Katarina Mazetti, Tarzan s'appelle en réalité Mariana et elle est mère de deux jeunes enfants. Janne est un jeune célibataire qui roule en Lamborghini et vit sans soucis et sans attaches réelles. Leur rencontre percutante a lieu près de la plage alors que Mariana s'amuse à jouer à Tarzan au bout d'une corde et vient terminer sa course sur le dos de Janne !
 

Ils se revoient un soir et si une entente physique s'établit immédiatement entre eux deux, rien dans leurs situations respectives ne semble favorable à une suite.
Pourtant, une fois les vacances terminés, après des rencontres aléatoires, ils se retrouvent embarqués dans une relation amoureuse qui n'en est pas vraiment une. Mariana vit seule avec ses deux enfants depuis que leur père, Mike, a disparu et elle a bien du mal à joindre les deux bouts. Mais elle assume courageusement sa situation et veut garder son indépendance, même si Janne est prêt à l'aider. Mariana a son idéal familial et s'y accroche, toujours dans l'attente du retour de son homme. Elle ne s'autorise pas à être heureuse avec un autre. Quand à Janne, plus habitué à des relations épisodiques avec une business woman élégante et branchée avec laquelle il maintient une certaine distance, il a du mal à admettre son attirance pour Mariana et à la convaincre de son attachement.


Autant, j'avais été déçue par la lecture de "Entre Dieu et moi, c'est fini", autant j'ai aimé ce livre-ci.
Cette d'histoire d'amour improbable est racontée avec beaucoup d'humour et de légèreté, même si la situation de Mariana et de ses enfants est souvent dramatique. Les courts chapitres s'enchainent, donnant la parole successivement aux différents personnages du roman : Janne et Mariana bien sûr, mais également les enfants, Jenny l'amie de Mariana, puis Mike qui réapparait. Cette alternance dans la narration donne un livre très vivant où le lecteur a l'impression d'accompagner les personnages dans les joies et les peines quotidiennes.

L'aspect social de l'histoire y est fondamental mais est évoqué légèrement. Mariana ne se plaint pas, elle constate. Janne découvre, incrédule, les difficultés auxquelles cette cellule familiale sans père est confrontée et prend conscience d'une réalité qu'il n'imaginait pas.

Une belle lecture rendue très agréable grâce à la couleur sanguine du papier sur lequel il est imprimé.

A consulter : la fiche du livre sur le site des édition Gaïa.

D'autres avis chez EmiLie, Nane, Joëlle et Clarabel.
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lundi 8 novembre 2010

Soufi, mon amour

Soufi, mon amour - Elif Shafak
Phébus (2010).
Traduit de l'anglais par Dominique Letellier.

 Ella Rubinstein est une femme comblée : une belle maison dans le Massachussets, un époux dentiste, trois enfants presque élevés, un chien vieillissant. Mais alors que la quarantaine approche, que les infidélités de son mari commencent à la lasser, qu'elle est en conflit avec sa fille ainée, que ses jumeaux traversent leur crise d'adolescence, Ella commence à reconsidérer son existence.
Grâce à David, son mari, elle a trouvé un travail de lectrice chez un agent littéraire et doit produire un compte-rendu sur le premier ouvrage qui lui est confié. Il s'agit de "Doux blasphème", un livre écrit par un certain A. Z. Zahara. L'auteur vit à Amsterdam et retrace dans son premier roman la rencontre de deux figures de l'Islam, le poète Rûmi et un derviche peu conventionnel Shams de Tabriz, au XIIIe siècle dans la ville de Bagdad.
Ella est très vite subjuguée par cette histoire et commence à s'intéresser à son auteur dont elle a trouvé le blog sur Internet. Une correspondance par courrier électronique s'établit entre Ella, américaine typique, et Aziz, soufi qui parcourt le monde pour faire connaître ses maîtres. La vie d'Ella va en être bouleversée.


J'ai commencé ce livre avec une certaine appréhension, après lecture de quelques billets qui lui étaient consacrés et qui exprimaient plutôt de la déception. Mais je m'étais engagée à le lire et à publier ma contribution auprès de Babelio qui me l'avait envoyé dans le cadre de Masse Critique.

Heureusement, le devoir s'est vite transformé en plaisir et j'ai trouvé beaucoup d'intérêt dans ce roman d'Eli Shafak qui entremêle deux histoires au fil des chapitres : celle d'Ella et d'Aziz, bien contemporaine et celle de Rûmi et de Shams en 1242, telle que la raconte Aziz dans son livre que nous découvrons en même temps qu'Ella.
Et c'est ce roman, "Doux blasphème" qui m'a accrochée, au fur et à mesure que la parole est donnée aux différents protagonistes. Tour à tour, Shams et Rûmi racontent, mais aussi des membres de leur entourage, des voisins, des mendiants, des bandits, tous ceux qui sont partie prenante dans cette histoire qui mêle le soufisme, le mysticisme, l'exaltation de l'amour vrai, le refus de la soumission. Le récit est rythmé par l'énoncé des Quarante Règles de la religion de l'amour, des préceptes intemporels pleins de sagesse à méditer longtemps après la lecture...

A côté de ce récit d'un autre temps, l'intrigue contemporaine est plus banale, sans surprise finalement, mais se lit sans ennui.
Un seul reproche : j'ai trouvé que le langage utilisé dans le roman d'Aziz était souvent trop moderne par rapport à l'époque concernée et j'ai été vraiment gênée d'y rencontrer le verbe "compiler" ! Peut-être une coquille de traduction !
Et j'ai regretté qu'il n'y ait réellement qu'un passage consacré à la danse des derviches tourneurs. Je trouve cette danse envoûtante et j'aurais souhaité qu'elle ait une plus grande place dans ce livre, même si l'écrit peine à retranscrire l'apaisement qui en ressort.

Pour découvrir l'auteur, Eli Shafak, visitez son site et feuilletez les premières pages du livre ici.

Merci aux éditions Phébus et à Babélio pour cet découverte.
D'autres avis chez Aifelle, L'irrégulière, Jules, Val, Hécate.

Critiques et infos sur Babelio.com
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