mercredi 25 janvier 2012

Tableaux noirs

Tableaux Noirs - Alain Jaubert
Gallimard (2011) - Collection blanche

L'histoire débute dans l'enfance d'Antoine Chabert, né en 1940 à Paris, dans les beaux quartiers, près du théâtre des Champs-Elysées. Les premiers souvenirs, sous les bombardements, s'expriment avec des onomatopées, mimant le bruit des bombes et les sons de la vie quotidienne. Le style est haché, les énumérations s'enchaînent, plongeant le lecteur dans des ambiances brutes, donnant à percevoir des sensations basiques et primaires.
Puis, le style change, au fur et à mesure que l'enfant grandit. Les moments heureux de l'enfance sont racontés avec détails, les vacances, l'école, la vie quotidienne de l'après-guerre avec ses restrictions et ses plaisirs simples. Les phrases se construisent, le vocabulaire s'étoffe, les sensations s'affinent. La réflexion de l'enfant s'approfondit mais il reste malgré tout des inconnues. Ainsi, nous ne serons jamais pourquoi un jour, le père d'Antoine a quitté la maison, alors que le couple semblait uni. Les évènements sont racontés selon la perception d'Antoine et les interrogations exprimées sont les siennes, et rien de plus, à part quelques apartés de l'auteur comme s'il voulait reprendre la maîtrise du récit.
C'est un livre de 467 pages dans lequel j'ai eu un peu de mal à entrer, mais qui m'a ensuite emportée, au fur et à mesure que l'enfant grandit et est à même de s'exprimer de façon de plus en plus construite. Certains épisodes m'ont ramenée à des souvenirs personnels, comme par exemple le récit des suites de l'opération des amygdales. Heureusement pour moi, l'opération en elle-même s'est déroulée dans des conditions bien plus supportables que celle du héros, mais la douleur ressentie au réveil et les jours suivants, je l'ai retrouvée dans ces pages et en lisant, j'avais encore ce feu dans la gorge. Et de même, lorsque Antoine évoque le plaisir retrouvé d'une nourriture un peu solide après des jours de diète forcée, j'ai repensé avec émotion à la saveur de quelques boudoirs trempés dans une tasse de lait tiède !
Mais, j'ai aussi été révoltée par le récit des années d'école, autant dans l'institution religieuse parisienne que fréquente Antoine que dans l'espèce de maison de correction où il se retrouve à la fin de l'enfance. Que de souffrances ont pu provoqué ces cohortes de maîtres abusifs et déviants ! J'en ai frissonné d'écœurement quelquefois.

Ce que je veux garder de ce roman, ce sont les moments de tendresse entre Antoine et les personnages féminins qui l'entourent : sa mère, sa grand-mère et Sarah, la jeune fille qui s'occupe de lui. Ce sont aussi les instants de complicité entre Antoine et son père. Et puis c'est aussi la découverte du plaisir de la lecture, comme dans cet extrait à la page 409 :

Il tombe dans un livre comme dans un gouffre. C'est Alice dans le terrier du lapin. Il se laisse aller, il plonge, la chute peut durer longtemps, il flotte, il est ravi... D'abord, sans jugement : c'est écrit, c'est sacré. Plus tard, le livre refermé, viendra peut-être l'esprit critique. Mais dans un premier temps, il ne juge pas. Il lit parfois très lentement, savourant paragraphe après paragraphe. Parfois à toute vitesse, sautant des lignes, des passages entiers, revenant en arrière, repartant en avant. Glouton, trop pressé, ayant peur d'avoir perdu l'essentiel. De toute façon, lent ou vif, toujours vorace. On dit dévorer un livre. C'est lui qui vous dévore ! C'est comme si le livre le lisait lui, l'avalait, l'absorbait...


Pour découvrir l'auteur et ce qu'il dit de ce livre, je vous propose cette vidéo :


Alain Jaubert - Tableaux noirs par Librairie_Mollat

A écouter également, une interview d'Alain Jaubert dans l'émission de France-Culture du 13 septembre 2011, Le RenDez-Vous (début de l'interview environ 17 minutes après le début de l'émission).
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1 commentaire:

  1. Il y a des livres, comme celui-ci, qui nous font replonger dans le passé. J'aime beaucoup l'extrait que tu en as tiré. Bon dimanche Nanou !

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