dimanche 21 septembre 2014

Moment d'un couple

Moment d’un coupleNelly Alard
Gallimard (2013)

Juliette et Olivier vivent à Paris, avec leurs deux enfants. Les débuts de leur relation amoureuse ont été compliqués mais ils affichent maintenant un bonheur sans histoire, comme tant d’autres couples avec enfants de l’est parisien. Et puis soudain, alors qu’elle n’a rien vu venir, Juliette est confrontée à l’aveu d’Olivier : il a une liaison depuis trois semaines. Juliette est dévastée par cette annonce mais décide de tout faire pour sauver son couple, puisqu’Olivier ne semble pas vouloir la quitter. Mais l’autre femme est coriace, d’autant plus qu’elle est persuadée qu’Olivier l’aime et veut vivre avec elle. Et pour elle, la guerre avec Juliette est déclarée et tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins.

Sujet classique du mari, de la femme et de la maîtresse mais traité d’une façon moins conventionnelle. C’est Juliette, l’épouse trompée, qui est la narratrice ici et c’est de son point de vue que nous suivons l’intrigue. L’aveu d’Olivier est pour elle l’occasion de revenir sur son histoire personnelle, sur le divorce de ses parents, la dépression de sa mère, ses années de lycée enfermée dans un pensionnat religieux, sa vie sentimentale chaotique et le viol dont elle a été victime. C’est la partie du livre que j’ai le moins aimée, j’ai même failli abandonner cette lecture à plusieurs reprises. L’auteur, par la voix de Juliette, nous livre dans un style presque mécanique tous les évènements qui ont façonné le caractère de l’héroïne, mais sans expliquer vraiment leurs conséquences sur son comportements et ses sentiments. Au lecteur de se débrouiller avec tout ça. Personnellement, je n’y ai pas trouvé beaucoup de cohérence.
Et puis, dans la deuxième partie, Juliette décide de mener le combat face à V., celle qui veut lui prendre son mari et qui est prête à tous les chantages. A partir de ce moment-là, j’ai trouvé l’histoire beaucoup plus intéressante, plus crédible aussi, même si je m’interrogeais sur ce que pouvait ressentir Juliette face à l’incertitude et à la faiblesse de son mari. Ce n’est que lorsqu’elle comprend que son mari ne pourra pas se sortir tout seul des griffes de son adversaire que Juliette reprend la main et s’affirme, sortant alors du statut de victime pour mener le jeu.

J’avais beaucoup aimé le premier roman de Nelly Alard, Le crieur de nuit et j’attendais sans doute beaucoup de ce deuxième livre, trop sans doute, ce qui peut expliquer ma déception en début de lecture. Heureusement, la suite de l’histoire m’a fait un peu changer d’avis. J’ai mieux compris les deux citations extraites du dictionnaire qu’insère Nelly Alard au tout début de son livre, et en particulier la définition physique de l’expression moment d’un couple. L’auteur a vraiment bien su en exploiter le sens pour mener son intrigue. A mon avis, cette interprétation est une bonne raison pour découvrir ce roman.

Ce livre a été récompensé par le prix Interallié 2013. Cela, je le savait déjà. Ce que j'ignorais, en revanche, c'est que ce livre avait provoqué quelques remous à sa sortie, quant à son aspect autobiographique et à l'identité potentielle de V. Je vous laisse chercher un peu sur la Toile, c'est assez cocasse, je trouve, d'un point de vue externe, bien sûr. Si l'histoire est réelle, elle n'a pas du être facile à vivre pour l'auteur.

Pour en savoir davantage sur l'auteur, rendez-vous sur son site.

lundi 8 septembre 2014

Extrêmement fort et incroyablement près

Extrêmement fort et incroyablement prèsJonathan Safran Foer
Éditions de l’Olivier (2006)
Traduit de l’anglais par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso
Lu dans l’édition poche Points Folio.


Oskar Schell a neuf ans, il vit à New York avec sa mère et a une relation très proche avec  sa grand-mère, rescapée des bombardements de Dresde durant la deuxième guerre mondiale. Son père, Thomas, a disparu lors des attentats au World Trade Center, le 11 septembre 2001. Oskar est un enfant hyper sensible, surdoué, qui n’arrive pas à surmonter la mort de son père. Il découvre par hasard dans un vase une enveloppe contenant une clé. Sur l’enveloppe est inscrit le mot Black. Oskar se met en tête de retrouver la serrure correspondant à la clé et se persuade qu’un dénommé Black pourra l’aider dans cette quête. Qu’importe si cela doit lui prendre des années.

C’est un livre très étrange, et le début de ma lecture a été un peu difficile. Plusieurs récits s’entremêlent dans ce roman, celui d’Oskar bien sûr, qu’il s’agisse de ses souvenirs de son père, du ressassement des évènements du 11 septembre ou de sa quête folle de tous les dénommés Black dans New York.
Une autre voix importante s’élève dans ce roman, c’est celle de la grand-mère dont l’existence est une succession de drames. Après avoir perdu toute sa famille pendant les bombardements de Dresde, elle s’est mariée avec l’ancien fiancé de sa sœur. Ensemble, ils ont émigré aux États-Unis, ont travaillé pour établir leur entreprise de bijouterie. Un jour, son mari a disparu, la laissant enceinte de Thomas, qu’il n’a jamais connu.
Et puis, il a les mots d’un homme, dont on met un moment à comprendre qui il est, qui complètent cette histoire complexe et terrible, un homme que le lecteur identifie au fur et à mesure, lorsque l’auteur veut bien en dire suffisamment pour éclairer sa lanterne, un homme qui lui aussi a vécu des drames et qui va reprendre sa place dans l’histoire familiale.

Impossible d’en dire trop sur ce roman au risque de dévoiler des éléments clés de l’histoire. Il faut  s’y plonger,  découvrir les indices semés par l’auteur et se tromper sur leur signification, comme il l’a manigancé. Et il faut accepter de revivre cette sidération qui nous a saisis ce mardi de septembre 2001 quand nous avons découvert ce qui se passait là-bas, de l’autre côté de l’Atlantique, et que nous regardions en boucle sur les écrans de télévision, incapables de détacher nos yeux de ces images terribles. C’est d’ailleurs le récit que la grand-mère fait de ces évènements qui m’a le plus touchée car ce qu’elle raconte, c’est vraiment ce qui dépeint ce que j’en ai perçu à l’époque. Et puis, les mots et les souvenirs des anciens, que ce soit la grand-mère ou bien l’homme que l’on découvre au fur et à mesure, remettent la tragédie du 11 septembre à sa place dans l’histoire. Pour ceux qui ont vécu les conflits du XXème siècle et qui en ont été les victimes, c’est un drame de plus, qu’il faut surmonter. Pour nous qui n’avons pas connu de guerre et qui avons vu et revu les images du 11 septembre, l’impact de l’évènement est bien sûr beaucoup plus percutant, même si nous n’en n’avons pas été les victimes directes.

Si je peux exprimer un regret par rapport à cette lecture, c’est à propos du personnage de la mère d’Oskar. Elle est très peu présente dans le livre, on découvre en même temps qu’Oskar la part qu’elle a tenue dans les dernières pages. Personnellement, j’aurais aimé en savoir un peu plus sur elle. Mais cela n’était sans doute pas l’objectif de l’auteur.

En lisant ce livre, je me suis rappelé L’histoire de l’amour de Nicole Krauss. Comme ici, plusieurs récits s’entremêlaient, entre présent et passé. Ce n’est peut-être pas un hasard, Nicole Krauss partage la vie de Jonathan Safran Foer et la dédicace du roman « Pour NICOLE, mon idée du beau » lui est sans doute adressée.

Avec cette lecture, je continue mon challenge Objectif Pal 2014, initié par Antigone


et je peux également participer au Mois Américain organisé par Titine.