vendredi 28 novembre 2014

No et moi

No et moiDelphine de Vigan
Éditions Jean-Claude Lattès (2007)

Lou a treize ans, vit à Paris avec ses parents dans un bel appartement. C’est une adolescente surdouée, elle vient de rentrer au lycée et elle se sent mal à l’aise dans cette classe de seconde, où les autres filles la regardent de travers.  Seul Lucas, un redoublant de dix-sept ans, lui témoigne un peu d’intérêt. Lorsque Lou se voit obligée de choisir un sujet d’exposé, elle présente son projet d’enquêter sur les jeunes SDF, sur un coup de tête. Gare d’Austerlitz, elle repère No, une jeune sans abri, tout juste majeure, qui zone dans le quartier, toujours à la recherche d’un endroit où dormir. Les premiers contacts entre les deux filles sont difficiles mais petit à petit, Lou réussit à apprivoiser Nolwenn et une amitié s’installe. Lorsque la situation s’aggrave pour No, Lou sollicite l’aide de ses parents, qui acceptent d’héberger la jeune fille. La présence de No ramène la joie de vivre qui manquait dans la famille de Lou depuis la mort de sa petite sœur. No se requinque, savoure le confort et la chaleur d’un foyer uni et reprend confiance. Mais ce roman n’a rien d’un conte de fées et aucune bonne marraine ne s’est penchée sur le berceau de No.

Même si le titre du roman met en avant les deux jeunes filles, c’est de trois adolescents dont qu’il est question dans cette histoire, où chacun, à sa façon et à des degrés divers, vit dans la solitude, délaissé par sa famille. La vie de No en est l’exemple ultime, enfant abandonnée par sa mère, baladée de foyer en foyer jusqu’à sa majorité puis poussée à la rue, dans la crasse, la violence et l’alcool. Lou, quant à elle, bénéficie du confort des beaux quartiers parisiens, d’une éducation à la mesure de ses capacités mais elle ne reçoit pas tout l’amour qui lui est dû. En effet, sa mère a perdu pied à la suite du décès de son deuxième enfant, et depuis, elle sombre dans la dépression et ne manifeste qu’indifférence pour sa fille. Quant à Lucas, le beau gosse, le charmeur, il ne manque pas d’argent mais vit quasiment seul dans un bel appartement, où sa mère ne fait que des apparitions fugaces entre ses déplacements professionnels.

La présence de No va aider la famille de Lou à sortir de son drame, mais elle–même ne va malheureusement pas en bénéficier durablement. L’histoire de Lou, No et Lucas est poignante et réaliste. Elle prouve que lorsqu’on a le gîte et le couvert assuré, la vie est quand même plus facile, même si l’environnement familial n’assure pas complètement son rôle protecteur. No n’a rien eu de tout cela pendant trop longtemps et l’amitié de Lou ne suffira pas à l’empêcher de sombrer.  Une belle lecture qui m’a laissée avec un grand sentiment d’injustice.


J'avais ce livre depuis un moment dans ma liseuse et c'est le challenge Objectif Pal 2014 d'Antigone qui m'a fourni l'occasion de le faire sortir de ma PAL numérique.

D'autres avis sur ce livre un peu partout sur la Toile et chez Babelio, par exemple.

mardi 4 novembre 2014

Trente ans et des poussières

Trente ans et des poussières Jay McInerney
Editions de l’Olivier (1993)
Traduit de l’anglais par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso

 
Dans les années 80, à Manhattan, Russel et Corinne forme un couple modèle, envié par tous leurs amis. Lui est éditeur chez Corbin, Dern & Cie, elle est courtière en bourse et est bénévole dans une association d’aide aux démunis. Ils ont trente ans, ils s’aiment et ont l’avenir devant eux, ils s’amusent dans toutes les fêtes où il faut être vu, écument les vernissages et les cocktails. Pourtant, chacun commence à ressentir une insatisfaction, un manque dans sa vie. Russel s’ennuie dans son activité professionnelle, il est tenté par des propositions cinématographiques sur la côte Ouest. Ou alors, pourquoi ne pas profiter de sa rencontre avec un riche homme d’affaires et lancer une OPA sur Corbin, Dern et Cie. Et puis, la routine matrimoniale commence à lui peser, il est attiré par d’autres femmes que la sienne. Quant à Corinne, elle se sent de plus en plus mal à l’aise dans le milieu boursier et voudrait faire une pause, avoir un bébé, arrêter de boire, moins sortir, souffler, quoi. Et puis, il y a leur ami Jeff, un écrivain qui n’a plus écrit depuis plusieurs années, qui a replongé dans la drogue. Cette rechute et la part active qu’ils doivent prendre pour faire entrer Jeff en cure de désintoxication sont un choc pour eux, le passage dans l’âge adulte en quelque sorte.

En commençant ce livre, j’ai souvent pensé aux romans de Paula Fox. Comme chez elle, les personnages ne sont pas forcément très sympathiques. Tout l’art de l’auteur est de donner, malgré cela, envie de les accompagner, de s’intéresser aux évènements qu’ils vivent, tant ils sont ancrés dans une époque décrite de façon très réaliste, très concrète. Ici, c’est la crise boursière de 1987 à New York qui va venir contrer les projets de Russel et de Corinne, bouleverser leur existence confortable et les forcer à se remettre en question. C’est une description très vivante du New York de la fin des années 80, dans le milieu des yuppies, de leurs excès, du toujours plus et du difficile retour aux réalités, quand la crise vous oblige à réduire la voilure.

C’est ma deuxième lecture de Jay McInerney, après Bright Lights, Big City, et j’ai vraiment envie de découvrir davantage cet auteur. Ça tombe bien, il existe une espèce de suite à Trente ans et des poussières, La belle vie, où l'on retrouve Russel et Corinne après les attentats de septembre 2001.


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