dimanche 6 septembre 2015

D'après une histoire vraie

D’après une histoire vraieDelphine de Vigan
Éditions JC Lattès (2015)

Après la parution de son précédent livre, Rien ne s’oppose à la nuit, Delphine de Vigan s’est retrouvée laminée par le succès et par les réactions de ses proches. Alors qu’elle peine à se lancer dans l’écriture d’un nouveau livre et que ses enfants quittent le foyer familial pour aller étudier en province, Delphine fait la connaissance de L., une femme de son âge qui travaille dans le milieu de l’édition. Très vite, L. prend une place très importante dans la vie de Delphine, elle la conseille sur ses choix en ce qui concerne son futur livre et cherche à la persuader de renoncer à la fiction. Pour L., seule l’autobiographie intéresse les lecteurs, il n’y a pas d’autre voie. Delphine se trouve bientôt plongée dans une sorte de dépression, incapable d’aligner trois mots, elle ne peut plus tenir un stylo, même écrire sa liste de courses sur un Post-it devient insurmontable. L. vient à son secours, prend les choses en main, se substituant même à Delphine pour répondre à son courrier et s’occuper des tâches indispensables, afin que Delphine puisse retrouver le goût de l’écriture et celui de la vie en général. 

Le titre du roman est bien choisi, puisque, sans ambiguïté, c’est bien Delphine de Vigan qui est l’héroïne de ce nouveau livre, et en tant que personnages secondaires, on retrouve son compagnon, François, journaliste littéraire réputé de la télévision et de la presse, et ses deux enfants qui viennent de passer le baccalauréat. C’est bien de son précédent livre qu’il est abondamment question, et des conséquences sur le devenir de son auteur. Quoique là, nous n’en savons que ce qu’elle veut bien nous dire.
Et puis, il y a ce personnage de L., qui reste très mystérieuse, que Delphine elle-même a du mal à identifier, même si L. lui assure avoir fréquenté la même classe de prépa qu’elle. L’emprise de L. sur Delphine se met en place doucement, au fur et à mesure que la romancière perd pied et s’isole et elle agit aussi sur le lecteur qui peine à sentir quand la narration bascule dans la fiction. Ce n’est qu’après le dénouement que l’on s’interroge et que l’on remet en question les péripéties de ce roman pour chercher à identifier le vrai du faux. C’est un des thèmes principaux de ce livre : où s’arrête l’autobiographie et où commence la fiction ? Quelle est la part de chaque dans tout écrit ? Comment l’auteur utilise-t-il son vécu pour construire son œuvre ? Et le fait-il en conscience ou bien est-ce plus subtil ?
Un autre thème de ce livre, c’est la manipulation d’un individu par un autre. La démonstration est bien menée, un peu facile, peut-être. Mais elle met en évidence qu’il faut un terrain déjà fragilisé pour s’installer et qu’il est ensuite bien difficile de s’en sortir sans aide extérieure.

En résumé, un roman prenant, où la tension monte petit à petit, au fur et à mesure que les doutes de Delphine se précisent. Quelques longueurs, parfois, mais il faut être patient, le dénouement en vaut la peine !





Avec cette lecture, j’ai commencé ma participation au challenge 1% Rentrée littéraire 2015, orchestré par Sophie Hérisson.

jeudi 3 septembre 2015

Expo 58

Expo 58 - Jonathan Coe
Gallimard (2014)
Traduit de l'anglais par Josée Kamoun

Thomas Foley est rédacteur adjoint au Bureau central de l’information, à Londres, où il est entré comme employé au courrier quatorze ans plus tôt.  Fiable et sans prétentions, il a progressé dans la hiérarchie et il est estimé par ses collègues. Bien fait de sa personne, il est surnommé Gary par les secrétaires qui lui trouvent un air de Gary Cooper. 
Le Bureau de l’information a été chargé de l’organisation du Pavillon britannique à l’exposition universelle de Bruxelles, qui doit se dérouler en 1958, et a décidé l’installation d’un pub, le Britannia, chargé de représenter l’identité britannique. Thomas a travaillé pendant plusieurs mois à la rédaction des brochures qui seront proposées aux visiteurs du pavillon britannique. Un jour, à sa grande surprise, il est convoqué à la direction du Bureau de l’information. Il apprend alors qu’il a été chargé de superviser l’installation du Britannia et de veiller à sa bonne marche pendant toute la durée de l’exposition. Thomas doit cette nomination au fait que sa mère est belge, même si elle a quitté son pays lors de la Grande Guerre, et parce que son père a tenu un pub pendant vingt ans. 
Dans un premier temps, Thomas n’est pas ravi : il est marié et tout jeune papa d’une petite fille. Ses supérieurs lui ont suggéré que sa femme et sa fille l’accompagnent à Bruxelles s'il le veut. En y réfléchissant bien, Thomas voit dans sa mission une occasion de sortir de la routine domestique et de s’ouvrir d’autres horizons professionnels. Il n’est alors plus du tout certain de souhaiter que sa femme l’accompagne. Son premier voyage à Bruxelles ne peut que l’en convaincre, d’ailleurs, en particulier lorsqu’il fait connaissance d’Anneke, la jeune hôtesse chargée de l’accueillir. Et ce ne sont pas les avertissements de deux individus très spéciaux, Wayne et Radford, à propos des risques qui l’attendent sur place qui vont atténuer son enthousiasme.
D’ailleurs, Thomas se fait très vite à l’ambiance sur le site de l’exposition et aux conditions spartiates du logement dans des baraquements. Il a sympathisé avec son voisin de chambrée, Tony, un jeune ingénieur aux idées progressistes, chargé de présenter le clou de l’exposition du pavillon britannique, la machine ZETA. Il a retrouvé Anneke et apprécie sa compagnie pour quelques sorties, en présence de Clara, l’amie d’Anneke, et de Tony. Thomas se rend bien compte qu’Anneke semble s’attacher un peu trop à lui mais il ne peut se résoudre à lui dire qu’il est marié et père de famille. Et puis, le sera-t-il encore longtemps, vu ce qu’il découvre chez lui à l’occasion d’un week-end bien décevant à Londres ? 
Au Britannia, même s’il n’est chargé d’aucune tâche opérationnelle, il a fort à faire à veiller à ce que le patron ne soit pas son meilleur client. Heureusement qu’il y a Jamie, la jeune serveuse très efficace sur laquelle il peut compter. Bien sûr, au rang des inquiétudes, il y a Andrey Chersky, un journaliste russe très amical, qui l’a sollicité pour ses conseils de rédaction pour son journal Spoutnik et qui pose beaucoup de questions. Et puis, cette jeune actrice américaine, Emily, qui se rapproche de plus en plus d’Andrey, a-t’elle conscience du danger de sa conduite ? 

Je me suis beaucoup amusée lors de cette lecture, qui s’appuie sur des faits historiques bien réels, c’est-à-dire l’exposition universelle de 1958, première grande réunion des nations modernes après la deuxième guerre mondiale, alors que la « guerre froide » bat son plein.
C’est une histoire pleine d’humour, parodie de roman d’espionnage, mélangée aux atermoiements du héros partagé entre sa soif d’aventure pour échapper à un quotidien sans surprise et sa volonté d’être un mari fidèle et d'agir pour son pays.
Sous la pression de Wayne et Radford, Thomas se prend au jeu et s’imagine déjà sous les traits d’un espion, faisant de son mieux pour remplir la mission qui lui est confiée, même si cela doit le plonger encore plus dans les affres de l’indécision. C’est seulement quelques mois plus tard qu’il comprendra ce qui s’est réellement passé au sein de l’exposition et ce qu’on attendait de lui, mission dont il retirera à la fois quelques bénéfices inattendus et des regrets jusqu’à la fin de sa vie, faute d’avoir su saisir la chance qui se présentait pour changer le cours de son existence.

En bref, une lecture très distrayante que j’ai prolongée agréablement par une découverte de la vraie Expo 58 sur le site de l’INA. Malheureusement, la vidéo n’évoque pas le pavillon britannique !

Retrouvez une interview de Jonathan Coe dans l'Humeur Vagabonde du 11 février 2014 et de nombreux extraits du roman.