samedi 28 décembre 2013

La maison de Carlyle et autres esquisses

La maison de Carlyle et autres esquisses Virginia Woolf
Mercure de France (2004)
Traduit de l’anglais par Agnès Desarthe
Préface de Geneviève Brisac
Introduction, notes et commentaires de Daniel Bradshaw
.

Comme la fin de l’année approchait à grand pas, je me suis rendue compte que je n’arriverais pas à lire dans les temps un autre roman de Virginia Woolf, si je voulais respecter les termes de mon inscription au challenge Virginia Woolf 2013 proposé par Lou.
Je me suis donc tournée vers un recueil beaucoup plus court, constitué de sept textes écrits en 1909 dans son journal, alors qu’elle est encore Virginia Stephen et qu’elle n’a pas encore rien publié de ses romans.  

Sept textes et vingt-quatre pages, sur des demeures remarquables et leurs habitants, comme des croquis rapides sur un carnet, pour s’entrainer, pour affiner sa plume et rendre compte en quelques paragraphes d’une visite ou de rencontres à consigner. Le style est différent ce de que j’ai déjà lu, plus direct, moins introspectif, mais la précision et la fluidité sont là, créant une atmosphère en quelques phrases.

Et puis autour de ces vingt-quatre pages, il y a de la matière ! L’introduction, les notes et les commentaires du professeur Bradshaw constituent une mine d’informations et je les ai lus avec un grand intérêt comme une prolongation à la biographie de Béatrice Mousli, dont j’ai parlé dans mon précédent billet.
La préface de Geneviève Brisac m’a rappelé son livre La Marche du cavalier, que j’ai lu cette année dans le cadre du challenge d’Anis et j’ai souri à ses critiques du professeur Bradshaw, avec lequel elle n’est pas toujours d’accord. 
A noter que c'est Doris Lessing qui a rédigé la préface de l'édition originale de La maison Carlyle et autres esquisses. Je serais très curieuse de la lire ! Si quelqu’un a ce livre en VO et veut bien le prêter ou scanner la préface, je suis preneuse…

Je vous recommande le billet de Malice qui propose un compte-rendu complet et bien illustré de ces esquisses.




vendredi 27 décembre 2013

Une biographie de Virginia Woolf

Virginia Woolf - Béatrice Mousli
Collection Les infréquentables - Éditions du Rocher (2001)

Je m’étais inscrite au challenge Virginia Woolf organisé par Lou, dans la catégorie Orlando, ce qui impliquait de lire une biographie.
C’est chose faite, avec celle que propose Béatrice Mousli, parue en 2001, et qui m’a donc permis de découvrir certains aspects de la vie de Virginia Woolf et d’approcher son œuvre d’un peu plus près.
Si je dis « découvrir certains aspects de la vie de Virginia Woolf », c’est que j’ai l’impression que Béatrice Mousli s’est concentrée sur l’écrivain plutôt que sur la femme, et qu’elle a cherché à mettre en avant  dans son ouvrage tout ce qui tournait autour de l’écriture et de l’édition. Les relations entre Virginia et Leonard, son mari, sont également principalement présentées de ce point de vue.

Attention, ma réflexion n’est en aucune façon un reproche ! La vie de la romancière semble tellement riche en contenu qu’il faut bien choisir un axe de travail, pour éviter de se disperser, surtout si l’on veut tenir en moins de 280 pages.

Cette biographie s’appuie sur les mots de Virginia, à travers de nombreuses citations extraites de ses livres, et aussi de ses journaux, de ses articles et de nombreux textes écrits par d’autres. Même si les problèmes de santé de Virginia et ses épisodes dépressifs sont régulièrement évoqués, l’auteur ne s’appesantit pas sur la description des troubles dont souffre Virginia Woolf. Ainsi, lorsqu’elle évoque une tentative de suicide, c’est au détour d’une phrase et rien de plus.
En revanche, cette biographie apporte un éclairage très intéressant sur les milieux intellectuels que fréquentaient les Woolf et sur le travail d’éditeur, qui constituait une mission importante de leur existence.

Je peux dire que je suis satisfaite de mon choix de cette biographie car j’ai vraiment progressé dans mon approche de l’œuvre de Virginia Woolf et je sens que mes prochaines lectures en tireront un bénéfice certain dans la compréhension de l’auteur et de son époque.

Béatrice Mousli vit à Los Angeles et enseigne à l’université de Californie du Sud. Pour en savoir plus sur elle, rendez-vous sur son blog.


mercredi 25 décembre 2013

Le garçon incassable

Le garçon incassable - Florence Seyvos
Éditions de l'Olivier (2013)

Je n’ai pas d’intérêt particulier pour Buster Keaton, sans doute parce que je connais peu les films où il a joué. Aussi, je n’aurais jamais pensé être aussi enthousiasmée par ce livre de Florence Seyvos, où Buster Keaton partage la vedette avec Henri, le presque frère de la narratrice, handicapé de naissance.
Au fil des chapitres, la narratrice nous fait partager deux existences bien différentes : celle de Buster Keaton, le vrai garçon incassable que son père utilisait comme projectile humain dans ses spectacles, depuis qu’il était tout enfant. Et puis, celle d’Henri, ce garçon si fragile dans son corps, mais robuste et coriace dans sa tête.
Avec une plume sensible et délicate, Florence Seyvos passe de Buster à Henri, racontant leur quotidien, pas toujours facile, mais elle n’y met aucun pathos. Au contraire, c’est une grande énergie qui se dégage de ces pages, accompagnée d’un flot de tendresse qui fait du bien. Ce livre est un petit bijou.

Extrait (page 21) :
Frêle, il l’était. Quand il était debout, une chiquenaude suffisait à lui faire perdre l’équilibre. Pourtant il dégageait une étrange impression de force, comme une voiture téléguidée bloquée contre un mur dont les roues continuent à tourner avec véhémence. Lent, il l’était, dans presque tous ses gestes. Le regarder donnait parfois l’impression de voir un mouvement au ralenti. Il parlait lentement aussi, en bégayant, butant de manière spectaculaire tantôt au début de sa phrase, tantôt au milieu, tantôt sur le dernier mot. Ses phrases ne comportaient pas de mystère, elles reflétaient toutes, de façon plus ou moins inquiète, son souci d’être en adéquation avec le monde, de prononcer les bons mots au bon moment : bon appétit, en début de repas, merci pour ce bon dé-dé-dé-dé-jeuner, en fin de repas. Des phrases apprises par cœur.

A lire également : l'interview de Florence Seyvos dans le magazine Transfuge et d'autres avis sur ce livre chez Babelio.

mardi 24 décembre 2013

C'est Noël

Joyeux Noël à tous !

Source photo : krisdecurtis

mercredi 18 décembre 2013

La promenade au phare

La promenade au phare - Virginia Woolf
Le livre de poche Biblio
Traduit de l'anglais par M. Lanoire

La famille Ramsay passe ses vacances d’été sur une île des Hébrides, dans une grand maison, où sont rassemblés les parents, leurs huit enfants ainsi que quelques invités, habitués des lieux. Parmi eux, figure Lily Briscoe, une artiste peintre,  que l’on ne peut déjà plus qualifier de jeune femme. Une question  agite tous les esprits, ce jour-là : Fera-t-il suffisamment beau le lendemain pour que tous effectuent la promenade au phare qui a été promise à James, l’un des garçons de la maison ? Mrs Ramsay, Lily et les enfants l’espèrent de tout  cœur mais Mr Ramsay, rabat-joie, a déjà pronostiqué le mauvais temps et c’est à lui que la météo donnera raison.
A cause de la première guerre mondiale et de deuils successifs dans la famille, les Ramsay déserteront l’île de Skye pendant longtemps, laissant la maison à l’abandon. Ce n’est que dix ans plus tard que certains d’entre eux, dont Mr Ramsay, quelques enfants et Lily Briscoe séjourneront brièvement sur l’île et feront enfin cette fameuse promenade au phare, enfin accessible au terme d’une sorte de pèlerinage en hommage à leurs rêves d’antan.


C’est un livre de moins de 300 pages, et pourtant très dense, bien qu’il y ait peu d’action. Le lecteur accompagne les pensées et les réflexions de plusieurs des personnages, en particulier Mrs Ramsay et Lily Briscoe dans la première partie. La figure maternelle est très émouvante, pleine de tendresse et d’attention pour ses enfants et ses invités, symbole du sacrifice et de la soumission attendus des mères de l’époque. Le père, tyrannique et autoritaire, inspire la crainte et souffre lui-même de la distance qu’il a établi avec ses enfants.
J’ai beaucoup aimé le personnage de Lily, en proie aux difficultés de l’artiste face à sa toile. Sans doute, Virginia Woolf a-t-elle voulu y exprimer d’une façon détournée ses propres blocages face à la page blanche. Il semble que c’est dans ce livre qu’elle a placé le plus d’éléments biographiques. Ainsi, ces vacances dans l’île de Skye évoquent-elles sans doute celles que passait la famille Stephen à St-Ives.
En douceur, ce livre porte aussi des accents féministes, grâce aux réflexions de Lily sur la position de Mrs Ramsay dans le foyer et sur son propre comportement face à sa condition d'artiste. Mais tout est dit en finesse, sans revendication ni plainte, conférant à l’ensemble une grande mélancolie qui tempère la force des mots.

Consultez l'avis de Pascale qui propose plusieurs extraits à la fin de son billet.

J'ai lu ce livre dans le cadre du challenge Virginia Woolf 2013 organisé par Lou et du challenge Destination Pal proposé par Lili. .

                                         

samedi 7 décembre 2013

Un léger déplacement

Un léger déplacementMarie Sizun
Éditions Arléa (2012)
Lu dans l’édition Feryane (2012)


Hélène a passé son enfance et son adolescence à Paris, dans un appartement de la rue du Cherche-Midi. Elle a perdu sa mère alors qu’elle n’était qu’une petite fille et en a très peu de souvenirs. Elle ne s’est jamais entendue avec Ida Zollmacher, la deuxième épouse de son père. Avec celui-ci, elle n’a jamais vraiment communiqué, bien que l’aimant beaucoup. Puis Hélène s’est marié avec Norman, un libraire américain, elle est partie vivre et travailler avec lui à New-York, a coupé les ponts avec sa vie antérieure. Elle a même changé de nom, se faisant désormais appeler Ellen. Trente-cinq ans ont passé, son père est mort depuis quelques années. Mme Zollmacher vient de décéder à son tour et Hélène arrive à Paris afin de régler les formalités de la succession, avec le projet de vendre l’appartement familial. Initialement bien décidée à expédier l’affaire en une semaine tout au plus, Hélène est rapidement submergée par les souvenirs, en retrouvant le quartier de son enfance. Ses déplacements dans Paris lui rappellent Ivan, son premier amour malheureux, qui lui a laissé un sentiment amer d’incompréhension. En commençant à vider l’appartement, Hélène découvre des photos et leurs annotations lui apprennent des choses qu’elle ignorait sur Stéphane, le fils de Mme Zollmacher, et par conséquent sur un aspect du comportement de son père qu’elle ne soupçonnait pas.  Alors que Norman la presse de finaliser la vente de l’appartement, Hélène n’est plus aussi sûre d’avoir envie de s’en débarrasser.

Un léger déplacement, c’est un changement de point de vue qui permet à Hélène de reconsidérer le passé, de comprendre ce qui lui avait échappé autrefois. C’est une remise en question de sa perception d’alors, l’envie de remettre tout à plat, d’oublier ses rancœurs, de regarder les évènements d’un œil neuf. C’est comme ce qui se produit lorsqu’on revient adulte devant la cour de son école maternelle : on est tout surpris par sa petitesse alors qu’on se souvenait d’un immense espace à traverser pour atteindre l’entrée de la classe. Ici, ce sont les lieux mais aussi les faits qu’Hélène redécouvre, et soudain, tout a changé.

Une lecture agréable, même s’il y a quelques lenteurs et si les tergiversations de l’héroïne donnent parfois envie de la secouer un peu. Je dois avouer que j'ai eu du mal à adhérer à l’idée qu’Hélène, lors de son premier trajet dans le métro, réalise combien l’odeur lui avait manqué ! Mais je ne suis pas une Parisienne, alors je suis mal placée pour apprécier !

D'autres avis sur ce livre chez Heide, Sylire, Clara et sur Babelio.

dimanche 1 décembre 2013

Et rester vivant

Et rester vivantJean-Philippe Blondel
Buchet-Castel (2011)
Lu dans l’édition Feryane (2011)


J’ai fermé les yeux et, pendant quelques secondes, j’ai eu vingt-deux ans, des cheveux dans le cou, deux dizaines de kilos en moins, une boucle d’oreille dans le lobe gauche. J’étais assis au bord de la route qui surplombe Morro Bay, Carlifornie. L’avenir était une notion floue. Ce qui comptait, c’était l’ici et le maintenant. L’été. L’été 1986. (page 16-17).

Il a vingt-deux ans et depuis quatre ans, n’a pas réussi à faire le deuil du décès de sa mère et de son frère ainé, morts tous deux dans un accident de voiture, dont seul le père a réchappé. Ont suivi quatre années difficiles entre les deux hommes, dans la peur et l’incompréhension. Lorsque le père décède, lui aussi victime d’un accident de la route, le narrateur en éprouve plutôt du soulagement. Et quand son oncle l'interroge sur ses projets, la réponse fuse, évidente et non préméditée : Il veut aller à Morro Bay, en Californie, lieu cité dans une chanson de Lloyd Cole, Rich, le premier morceau du disque. Une fois les formalités de succession réglées, c’est donc vers la côte ouest des Etats-Unis qu’il s’envole, en compagnie de son ex-petite amie, Laure, et de Samuel, son meilleur copain et petit ami de Laure.

Jean-Philippe Blondel est clair dès le début de ce livre. Le narrateur, c’est lui, et c’est sa propre histoire qu’il raconte ici, ce voyage en Californie, en route vers Morro Bay, qu’il aura du mal à atteindre, indécis et perdu dans l’existence, peinant à sortir de ses deuils successifs et à trouver sa place entre Laure et Samuel, porté seulement par la chanson de Lloyd Cole qu'il a écouté en boucle et qui lui a donné un but.
 Mais au-delà de l’histoire personnelle de l’auteur, ce texte dit la difficulté de sortir de l’adolescence et de devenir adulte, de trouver l’envie de continuer quand on ne se sent à l’aise nulle part, de se frayer son propre chemin dans un monde où l’on n’est plus attendu. En somme, pourquoi rester vivant et comment y arriver, un livre coup de cœur…

La parole à l'auteur lui-même, dans cette vidéo proposée par la librairie Mollat :
L'avis de Philisine Cave qui vous mènera vers d'autres billets.